par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 7 décembre 2016, 14-24668
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Cour de cassation, chambre sociale
7 décembre 2016, 14-24.668

Cette décision est visée dans la définition :
Abondement




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Vu l'article 2 du code civil, ensemble l'article L. 443-7, alinéa 3, du code du travail issu de la rédaction de la loi n° 2001-152 du19 février 2001, devenu l'article L. 3332-12 du même code ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 2 mars 2000, la société Laboratoires 3 M santé, devenue la société 3M France, a conclu un accord de plan d'épargne d'entreprise avec la délégation du personnel au comité central d'entreprise prévoyant un abondement de 100 % des versements volontaires effectués par les salariés cadres, et de 4 % des versements des salariés non-cadres ; que Mmes X... et Y..., salariées non-cadres, ont saisi le 29 mars 2011 la juridiction prud'homale d'une demande d'indemnisation de leur préjudice résultant du refus par l'employeur de renégocier l'accord au regard de l'article L. 443-7, alinéa 3, du code du travail issu de la rédaction de la loi du 19 février 2001 relative à l'épargne salariale, cet article étant devenu l'article L. 3332-12 du même code, ainsi que de la violation du principe d'égalité de traitement ;

Attendu que pour dire que les dispositions de l'article L. 443-7, alinéa 3, du code du travail telles que résultant de la loi du 19 février 2001 étaient d'application immédiate et condamner la société 3M France à verser à chacune des salariées des dommages-intérêts, l'arrêt retient que la loi du 19 février 2001 ne prévoyait pas de dispositions transitoires, que les principes philosophiques qui ont présidé à l'élaboration et au vote de la loi et l'énoncé même des prescriptions légales démontraient qu'il s'agissait d'un principe essentiel de réduction des inégalités salariales qui devait donc s'analyser comme faisant partie de l'ordre public social et ainsi être d'application immédiate, qu'il appartenait à la société de se conformer aux nouvelles dispositions légales et, partant, de procéder à une nouvelle version de l'accord de plan d'épargne d'entreprise conforme à la loi ;

Attendu, cependant, qu'aux termes de l'article 2 du code civil, la loi ne dispose que pour l'avenir ; qu'il en résulte qu'en l'absence de modification, autre que de forme, de l'accord au sens de l'article L. 3322-6 du code du travail instaurant un plan d'épargne d'entreprise, et de nouveau dépôt de cet accord auprès de l'administration du travail, les dispositions de cet accord ne peuvent être contestées qu'au regard des dispositions légales en vigueur au moment de sa conclusion ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait constaté que le plan d'épargne d'entreprise résultait d'un accord signé le 2 mars 2000 au sein du comité central d'entreprise conformément aux articles L. 443-1 et R. 443-1 du code du travail alors applicables, lequel n'a pas été dénoncé, ce dont il résultait que celui-ci, conforme aux dispositions législatives en vigueur lors de sa conclusion, ne pouvait être contesté au regard des dispositions postérieures de l'article L. 3332-12 du code du travail issues de la loi n° 2001-152 du 19 février 2001, lesquelles ne sont pas d'ordre public absolu, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société 3M France à payer tant à Mme X... qu'à Mme Y... une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour violation des dispositions de l'article L. 3332-12 du code du travail et une somme de 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 11 juillet 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;

Condamne Mmes X... et Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept décembre deux mille seize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société 3M France

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que les dispositions de l'article L. 443-7 du code du travail telles que résultant de la loi n° 2001-152 du 19 février 2001 étaient d'application immédiate et condamné la société 3M FRANCE à verser à Mmes X... et Y... des dommages et intérêts pour violation des dispositions de l'article L. 3332-12 du code du travail, ainsi qu'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

AUX MOTIFS PROPRES QUE A) historique succinct. Le plan d'épargne d'entreprise (PEE) s'analyse comme un système d'épargne collective ouvrant au personnel de l'entreprise la faculté de participer, avec l'aide de celle-ci et moyennant un traitement social et fiscal avantageux, à la constitution d'un portefeuille de valeurs mobilières. Il est alimenté en premier lieu par les versements volontaires des salariés qui demeurent libres, en tout état de cause de ne pas épargner. Celui qui choisit d'effectuer un tel versement sur le plan bénéficiait alors d'une aide de l'entreprise, appelé abondement qui peut notamment consister dans le versement sur le compte du plan du salarié d'une somme complémentaire à celle effectuée par celui-ci. Dès 1995, la société avait souhaité faire bénéficier ses salariés d'un tel dispositif d'épargne, en dehors de toute contrainte légale. Ainsi un accord avait-il été conclu en ce sens prévoyant notamment un versement complémentaire de l'entreprise calculé de manière identique pour l'ensemble du personnel sur la base de 4 % des versements effectués par le salarié. Courant 1999, et dans le prolongement de la loi Aubry l, un accord de réduction et d'aménagement du temps de travail a été négocié le 20 décembre 1999. L'un des points de discussion lors des négociations avait porté sur le fait que les cadres bénéficieraient d'une réduction de leur temps de travail moins importante que les salariés non-cadres. Les partenaires sociaux avaient accepté ce traitement moins favorable pour les cadres à la condition toutefois que la direction s'engage à faire bénéficier à ceux-ci, en contrepartie d'un abondement majoré au sein du PEE. C'est dans ce contexte qu'a été négocié et conclu avec le comité central d'entreprise un nouvel accord de plan d'épargne d'entreprise le 2 mars 2000 dans le cadre des dispositions des articles L 443 - 1 ancien et suivants du code du travail. Ainsi la direction acceptait-t-elle, à titre de compensation de majorer l'abondement des cadres en le portant à 100 % des versements du salarié, l'abondement des non-cadres demeurant inchangé à 4 %. La réglementation, à l'époque, tirée de l'article R 4143 - 2 du code du travail disposait seulement que la modulation éventuelle de l'apport de l'entreprise ne saurait résulter que de l'application des règles à caractère général. La loi numéro 2001-152 du 19 février 2001 sur l'épargne salariale, postérieure à la conclusion de l'accord, en son entier est venu préciser que la modulation éventuelle des sommes versées par l'entreprise ne saurait résulter que de l'application de règles à caractère général, qui ne peuvent, en outre, en aucun cas, avoir pour effet de rendre le rapport entre le versement de l'entreprise et celui du salarié ou de la personne visée au troisième alinéa de l'article L 443 - 1 croissant avec la rémunération de ce dernier. Personne n'a revendiqué la refonte du plan initial en vue de le mettre en conformité avec la loi nouvelle et ce n'est que 11 ans après que divers salariés ont formé une action contre la société pour obtenir divers dommages-intérêts.
B) sur l'application des dispositions nouvelles de la loi du 19 février 2001 à l'accord PEE : La loi du 19 février 2001 ne prévoyait pas de dispositions transitoires. Il est constant que l'ordre public social impose l'application immédiate aux contrats en cours et conclus avant leur entrée en vigueur des lois nouvelles ayant pour objet d'améliorer la condition ou la protection des salariés. Le caractère d'ordre public d'une loi ne dépend nullement de son application obligatoire ou facultative puisque le cadre juridique d'ordre public s'applique dès lors qu'un salarié entre dans son champ d'application. En l'espèce, il s'agit non d'un avantage proportionnel aux revenus, mais d'un avantage augmentant d'une manière exponentielle avec le niveau de revenu, en sorte que la loi interdit dans cette matière une telle évolution, sans égard à d'autres dispositifs légaux qui ne connaissent pas les mêmes contraintes légales. Il convient donc de rechercher si ce dispositif vise à améliorer la condition et la protection des salariés. Les débats parlementaires qui ont préparé et abouti au vote de cette loi ont souhaité permettre aux catégories professionnelles les moins élevées de disposer d'une épargne salariale plus importante. Il s'agissait en effet d'assurer une égalité de traitement à l'égard des salariés les moins bien traités dans l'entreprise et, en fait, d'atteindre à la démocratisation de l'épargne salariale. Le rapporteur de la loi ajoutait qu'il était essentiel que l'abondement versé par l'entreprise soit un véritable outil de redistribution de la valeur-ajoutée et devait être d'autant plus élevé que la capacité d'épargne des salariés était faible. Un autre but était la réduction des inégalités salariales dans la société. Les principes philosophiques qui ont présidé à l'élaboration et au vote de la loi et l'énoncé même de ces prescriptions légales démontrent qu'il s'agit d'un principe essentiel de réduction des inégalités salariales qui doit donc s'analyser comme faisant partie de l'ordre public social, et ainsi être d'application immédiate. La société admet que la Cour de Cassation avait reconnu que l'ordre public social imposait l'application immédiate au contrat de travail des lois nouvelles ayant pour but d'améliorer la condition et la protection des salariés. Mais, en l'espèce, l'accord du 2 mars 2000 faisait partie des règles qui régissaient les rapports entre la société et ses salariés et constituait un avantage substantiel pour chacun d'entre eux qui de fait était intervenu dans le champ contractuel. Il appartenait ainsi à la société de se conformer aux nouvelles dispositions légales et, partant de procéder à une nouvelle version de l'accord PEE conforme à la loi.
C) sur le rapport entre l'abondement et le versement du salarié. La société a maintenu sciemment une épargne collective permettant un abondement de 100 % lorsque la participation était versée par les cadres et seulement de 4 % lorsqu'elle l'était par les salariés non-cadres. Il s'ensuit que ce système a pour effet de rendre le rapport entre le versement de l'entreprise et celui du salarié croissant avec la rémunération de ce dernier. Elle ne l'avait nullement caché puisqu'elle affirmait le 2 mars 2000 qu'elle avait voulu cette répartition en proportion des salaires car selon elle, c'était les catégories professionnelles qui gagnaient le plus qui auraient une retraite moindre. Seul le niveau moyen des rémunérations permet de constater s'il existe un rapport croissant entre indices hiérarchiques et rémunérations et l'appréciation de la légalité de l'accord au regard de l'article L 3332 - 12 du code du travail ne peut intervenir qu'au niveau de l'entreprise qui a évité de communiquer les niveaux de rémunération des dernières tranches de revenus alors qu'il s'agit très certainement de celles qui disposent d'un revenu d'épargne le plus important. Il est clair que le niveau de rémunération moyenne des non-cadres est très largement inférieur à celui des cadres et que parmi ces derniers l'abondement augmente encore selon le niveau hiérarchique et donc le niveau de salaire. Ainsi, par ses effets, l'accord entraîne-t-il une modulation croissante selon la rémunération des salariés. La raison avancée pour fonder une différence de traitement qui concernerait l'existence d'un niveau de retraite moindre n'est pas établie et en tout état de cause, s'avère largement compensée par le niveau des rémunérations des catégories professionnelles supérieures. Il est également inexact de prétendre que le niveau d'abondement était exclusivement lié au passage au forfait jours pour les cadres alors que leur niveau de RTT n'était fixé qu'à 12 jours au lieu de 14 jours pour les non-cadres. En conséquence, il est démontré qu'il existait au sein de la société un rapport croissant entre l'abondement de l'entreprise et la rémunération des salariés en conséquence de quoi cette société a commis une faute par la violation des dispositions impératives d'ordre public de l'article L 3332 - 12 du code du travail dont tes effets concernaient l'intégralité des salariés et non une partie d'entre eux en instaurant une modulation de l'abondement prohibé par ces dispositions.
D) sur les demandes de sommes au titre du préjudice. Il convient de souligner que la cour n'est saisie que d'une demande de dommages-intérêts consécutifs à une carence de la société, préjudiciable aux deux salariées concernées. Il ne s'agit pas de salaires, qui seraient en effet frappés par la règle de la prescription quinquennale, alors que la saisine du conseil des prud'hommes d'Orléans est intervenue le 29 mars 2011 et qui aurait ainsi interdit de solliciter tous salaires antérieurs au 29 mars 2006. Il y a lieu de remarquer que les salariées, outrées de l'illégalité du plan depuis la loi 19 février 2001, ont cependant attendu plus de 10 ans pour introduire une action tendant au dédommagement de leurs préjudices et à peine évoquent-elles le fait primordial qu'elles se sont abstenus de prendre un plan PEE, en sorte qu'elles n'ont pas perdu d'abondement puisque la société ne pouvait le leur régler en l'absence de plans souscrits. Cependant, la société, mue par les principes sociaux avancés dont elle se déclare porteuse, puisqu'elle était en avance sur le système de l'abondement, aurait pu remodeler ce PEE pour l'adapter à la loi précitée. Ne l'ayant pas fait, elle a privé les non-cadres d'adhérer à un système qui devait les favoriser, puisque cette loi avait introduit des principes stricts en faveur des salariés les plus défavorisés. Ainsi, les deux salariées concernées ont-elles perdu une chance depuis 2001, qui s'analyse comme un préjudice indemnisable. Dans la mesure où elles ont tardé pour introduire leur action, la cour bornera la réparation de ces préjudices à une somme arbitrée à 3000 € de dommages-intérêts à chacune ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « 1) Sur l'application de la loi n° 2001-152 du 19 février 2001, l'article 14 de la loi n° 2001-152 du 19 février 2001 a introduit à l'article L. 443-7 du code du travail, l'alinéa suivant: "La modulation éventuelle des sommes versées par l'entreprise ne saurait résulter que de l'application de règles à caractère général, qui ne peuvent, en outre, en aucun cas avoir pour effet de rendre le rapport entre le versement de l'entreprise et celui du salarié ou de la personne visée au troisième alinéa de l'article L. 443-1 croissant avec la rémunération de ce dernier." ; que les contrats demeurent régis par la loi en vigueur au jour de leur conclusion ; que la société 3M FRANCE invoque l'antériorité de l'accord relatif à l'épargne salariale au regard de la loi du 19 février 2001 afin de dénier son application au sein de l'entreprise ; qu'aux termes de l'article 6 du code civil, on ne peut déroger aux lois qui intéressent l'ordre public; que le contrat reste ainsi régi par la loi en vigueur au jour de sa conclusion sous réserve des lois d'ordre public ; que conformément aux principes généraux du droit du travail, l'ensemble des dispositions législatives ou réglementaires édictées dans le domaine du droit du travail présentent un caractère d'ordre public ; que cette notion d'ordre public social commande tant le principe de faveur que le principe de l'application immédiate des dispositions de droit du travail sans qu'il soit nécessaire qu'elles prévoient cette application immédiate et sauf report de la date d'entrée en vigueur expressément prévue par le législateur ; que cette règle permet seule d'assurer la sécurité juridique, l'égalité juridique et l'égalité des employeurs et salariés afin d'éviter que lors de l'entrée en vigueur d'une loi comprenant des dispositions en matière du code du travail, chaque entreprise dispose de sa propre appréciation du caractère d'ordre public ou non de chaque disposition de la loi nouvelle ; que les effets d'une loi comportant des dispositions d'ordre public ne peuvent que recevoir une application immédiate dès son entrée en vigueur ; que le caractère d'ordre public d'une disposition ne dépend nullement de son application obligatoire ou facultative; qu'en effet, le cadre juridique d'ordre public s'applique dès lors qu'un salarié entre dans son champ d'application; que le moyen soulevé par la société 3M FRANCE sur ce point tend à confondre le caractère obligatoire d'une règle et son caractère d'ordre public qui prohibe toute dérogation ; que la loi du 19 février 2001 ne comprend aucune disposition transitoire et le législateur n'a pas entendu expressément réserver l'application de l'article L. 443-7 du code du travail aux salariés pouvant bénéficier du dispositif de l'épargne salariale en application d'accords conclus postérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi, ce qui se conçoit aisément au regard du principe d'égalité ; que le caractère d'ordre public de cet article ne peut être valablement contesté au motif qu'il aurait pour effet de rendre contraire à l'ordre public social les règles relatives à l'intéressement et à la participation ; que le fait que l'article L. 443-7 du code du travail prohibe la modulation éventuelle des sommes versées par l'entreprise au titre de l'épargne salariale qui aurait pour effet de rendre le rapport entre le versement de l'entreprise et celui du salarié croissant avec la rémunération de ce dernier, ne vaut que pour le dispositif d'épargne salariale ; que la qualification d'ordre public ne saurait conférer à cette règle le statut d'un principe général du droit applicable en toute matière ; que l'article 14 de la loi du 19 février 2001 entre bien dans le domaine du droit du travail et revêt donc un caractère d'ordre public par son essence même ; qu'en outre, au regard des débats parlementaires, il est établi que le nouvel alinéa de l'article L. 443-7 du code du travail visait à favoriser que la modulation mise en oeuvre permette de prévoir un taux d'abonde ment plus favorable pour les catégories professionnelles les moins bien rémunérées, permettant de traiter plus favorablement les ouvriers ou employés que les cadres ; que l'esprit de la disposition litigieuse est donc d'améliorer la condition des salariés les moins favorisés en leur permettant de bénéficier d'un taux d'abondement de l'employeur plus intéressant ; qu'au regard de ces éléments, il convient de constater que l'article 14 de la loi n° 2001-152 du 19 février 2001 ayant introduit un alinéa 3 à l'article L. 443-7 du code du travail, présente un caractère d'ordre public de sorte que ses effets étaient immédiatement applicables au sein des entreprises dès l'entrée en vigueur de la loi sans que l'existence d'accords antérieurs relatifs à l'épargne salariale ne puisse y faire obstacle ;

1. ALORS QUE l'article L. 3332-12 du code du travail, ancien article L. 443-7 alinéa 3, issu de l'article 4-III, 2° de la loi n° 2001-152 du 19 février 2001, selon lequel « la modulation éventuelle des sommes versées par l'entreprise ne saurait résulter que de l'application de règles à caractère général, qui ne peuvent, en outre, en aucun cas avoir pour effet de rendre le rapport entre le versement de l'entreprise et celui du salarié ou de la personne visée au troisième alinéa de l'article L 443-1 croissant avec la rémunération de ce dernier », n'est pas applicable aux accords instituant un plan d'épargne entreprise conclus avant l'entrée en vigueur de la loi précitée du 19 février 2001 faute de prévision en ce sens du législateur et ne peut en tout cas rendre illicite une clause d'un tel accord licite au regard de la loi en vigueur au moment de sa conclusion ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article 2 du code civil ;

2. ALORS en outre QUE les avantages issus d'un accord de mise en place d'un plan d'épargne entreprise ne s'incorporent pas au contrat de travail ; qu'en retenant à l'appui de sa décision que l'accord du 2 mars 2000 faisait partie des règles qui régissaient les rapports entre la société et ses salariés et constituait un avantage substantiel pour chacun d'entre eux qui de fait était intervenu dans le champ contractuel, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil, ensemble l'article 2 du même code et l'article L. 3332-12 du code du travail, ancien article L. 443-7 alinéa 3, issu de l'article 14-III, 2° de la loi n° 2001-152 du 19 février 2001 ;

3. ALORS en tout état de cause QUE l'article L. 3332-12 du code du travail, ancien article L. 443-7 alinéa 3, issu de la loi du 19 février 2001, prohibe seulement les formules de calcul de l'abondement de l'entreprise ayant pour effet de rendre le rapport entre le versement de l'entreprise et celui du salarié ou de la personne visée au troisième alinéa de l'article L 443-1 croissant avec la rémunération de ce dernier ; qu'en l'espèce, l'accord de PEE du 2 mars 2000 prévoit un abondement égal à 4 % des versements pour les non-cadres et à 100 % des versements pour les cadres et ne prévoit donc pas un rapport croissant avec la rémunération du salarié, un salarié cadre bénéficiant d'un abondement de 100 % de son versement et un non-cadre d'un abondement de 4 % de son versement quel que soit le montant de leurs salaires respectifs et en particulier même si le cadre perçoit une rémunération inférieure au non-cadre ; qu'en jugeant que cet accord était contraire à l'article L. 3332-12 du code du travail, au prétexte que seul le niveau moyen des rémunérations devait être pris en compte pour apprécier s'il existait un rapport croissant entre indices hiérarchiques et rémunérations et qu'il était clair que le niveau de rémunération moyenne des non-cadres était largement inférieur à celui des cadres et que parmi ces derniers l'abondement augmentait encore selon le niveau hiérarchique et donc le niveau de salaire, la cour d'appel a violé ce texte ;

4. ALORS par ailleurs QUE repose sur une raison objective et pertinente la stipulation d'un accord collectif qui fonde une différence de traitement sur une différence de catégorie professionnelle, dès lors que cette différence de traitement a pour objet ou pour but de prendre en compte les spécificités de la situation des salariés relevant d'une catégorie déterminée, tenant notamment aux conditions d'exercice des fonctions, à l'évolution de carrière ou aux modalités de rémunération ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir que l'abondement supérieur accordé aux cadres dans le cadre de l'accord PEE du 2 mars 2000 constituait la contrepartie de la mise en place pour cette seule catégorie de personnel d'un forfait jours et d'un nombre de jours de RTT inférieur à ceux accordés aux salariés non cadres, le tout en vertu d'un accord du 20 décembre 1999 de réduction et d'aménagement du temps de travail ; qu'en affirmant qu'il était « inexact de prétendre que le niveau d'abondement était exclusivement lié au passage au forfait jours pour les cadres alors que leur niveau de RTT n'était fixé qu'à 12 jours au lieu de 14 jours pour les non-cadres », quand l'institution d'un forfait jours pour les seuls cadres, indépendamment même du nombre de jours de RTT, est susceptible d'entraîner l'accomplissement d'un temps de travail supérieur et peut justifier que leur soient réservés certains avantages, la cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement ;


5. ALORS enfin QUE l'employeur justifiait par diverses pièces de ce que les partenaires sociaux avaient bien envisagé l'abondement plus élevé pour les cadres comme une contrepartie de leur durée du travail supérieure (prod. 10 à 13) et avaient souligné dans l'accord-cadre relatif à la réduction du temps de travail que les cadres « bénéficieront des conditions spécifiques du PEE », faisant ainsi le lien entre les deux accords ; qu'en affirmant qu'il était « inexact de prétendre que le niveau d'abondement était exclusivement lié au passage au forfait jours pour les cadres alors que leur niveau de RTT n'était fixé qu'à jours au lieu de 14 jours pour les non-cadres », sans s'expliquer sur les pièces justifiant du lien entre la soumission des seuls cadres à un forfait jours et l'obtention d'un nombre de jours de RTT inférieur à celui des non-cadres, d'une part, et l'abondement supérieur consenti aux cadres dans l'accord PEE, d'autre part, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement.



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Cette décision est visée dans la définition :
Abondement


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 29/04/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.