par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 9 juillet 2015, 14-21763
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
9 juillet 2015, 14-21.763

Cette décision est visée dans la définition :
Caution / Cautionnement




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 mai 2014), que, par acte sous seing privé du 16 mai 2007, M. X... s'est porté caution personnelle et solidaire de la société Six Fours terrassements (la société), titulaire d'un compte professionnel au sein de la Banque populaire Côte d'Azur (la banque) ; qu'à la suite de la défaillance de la société qui a fait l'objet d'une liquidation judiciaire, la banque a assigné M. X... en exécution de son engagement ;

Attendu que la banque fait grief à l'arrêt d'annuler l'engagement de caution de M. X... et de rejeter sa demande, alors, selon le moyen :

1°/ que l'article L. 341-2 du code de la consommation prévoit que la caution est informée de la nature et de l'étendue de son engagement par une mention manuscrite dont la loi fixe ainsi les termes : « en me portant caution (¿), je m'engage (¿) » ; que l'acte de cautionnement doit comporter la reproduction fidèle de la formule légale ; que lorsque la caution est illettrée, est donc licite le procédé consistant pour un tiers à rédiger lui-même la mention manuscrite pour le compte de la caution, puis à recueillir la signature de la caution au pied de cette mention ; que l'usage de toute autre formule ou moyen d'information méconnaîtrait nécessairement la loi ; qu'en affirmant que « la banque s'est livrée à un simulacre en faisant écrire à la première personne du singulier un texte qui ne concernait pas son scripteur » pour en déduire qu'il ne serait pas démontré « que l'information légale a bien été apportée à la caution », la cour d'appel a violé l'article L. 341-2 du code de la consommation ;

2°/ que la caution qui signe un engagement dont, en raison de son illettrisme, la mention manuscrite a été rédigée par un tiers, s'approprie la mention manuscrite rédigée pour son compte à la première personne du singulier et reconnaît avoir eu connaissance du contenu de cette mention ; qu'en affirmant que la rédaction par la banque de la mention manuscrite ne démontrait pas « que l'information légale a bien été apportée à la caution », la cour d'appel a derechef violé l'article L. 341-2 du code de la consommation ;

Mais attendu que la personne physique qui ne se trouve pas en mesure de faire précéder sa signature des mentions manuscrites exigées par les articles L. 341-2 et L. 341-3 du code de la consommation destinées à assurer sa protection et son consentement éclairé, ne peut valablement s'engager que par acte authentique en qualité de caution envers un créancier professionnel ; qu'ayant relevé que M. X... était illettré et n'était pas le scripteur des mentions manuscrites portées sur l'acte de caution que la banque avait fait écrire, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, qu'il ne pouvait se porter caution de la société selon un acte sous seing privé ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Banque populaire Côte d'Azur aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ; la condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juillet deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain, Soltner et Texidor, avocat aux Conseils, pour la Banque populaire Côte d'Azur

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la BPCA de l'intégralité de ses demandes dirigées contre Monsieur X... ;

AUX MOTIFS QUE « Monsieur Bruno X... soutient qu'il n'est pas le scripteur de la mention manuscrite laquelle a été apposée par le banquier car il ne sait pas écrire et lit difficilement. Monsieur Bruno X... produit à l'appui de cette affirmation une attestation de son épouse dont le contenu, qui ne s'entend qu'à une lecture à haute voix, peut être retranscrit ainsi « Mon mari, Monsieur X... BRUNO, est incapable de rédiger un paragraphe manuscrit et en aucun cas il ne l'a fait pour se porter caution auprès de la BPCA, ce paragraphe a été écrit par le banquier et signé par mon mari. » Maître Jean Marc Y..., huissier de justice, a établi le 10 décembre 2013 l'attestation suivante : « Dans le cadre de diverses procédures, j'ai rencontré à plusieurs reprises Monsieur Bruno X... né le 12 août 1961 à Oran (ALGERIE), de nationalité française. Lors de la délivrance d'actes et rédaction d'un engagement de paiement échelonné, je me suis aperçu que Monsieur Bruno X... présentait d'importantes difficultés pour écrire un texte de quelques lignes. Il ne s'agit pas uniquement de fautes d'orthographe ou erreurs de syntaxe car Monsieur X... Bruno apparaît incapable d'élaborer plusieurs phrases et ne peut former que quelques mots en lettres majuscules ou écriture bâton. Monsieur X... m'a révélé que son parcours scolaire très bref s'est terminé en section d'études spécialisées (SES) vers l'âge de douze ans. Monsieur X... arrive cependant à écrire les nombres en chiffres arabes et bien évidemment sait signer. Ses facultés de lecture sont également limitées et nécessitent des efforts de concentration. Ainsi je peux attester que Monsieur X... ne maîtrisant ni la lecture ni l'écriture est à la limite de l'illettrisme. » Il résulte de l'examen de l'acte de cautionnement que la mention manuscrite a été portée au moyen d'une écriture cursive vive et déliée sans aucune rature ni faute. Il est ainsi établi au regard de l'attestation de Maître Jean Marc Y..., que Monsieur Bruno X... n'en est pas le rédacteur. Les dispositions de l'article L. 341-3 du code de consommation ne sauraient avoir pour effet de priver les personnes illettrées d'un accès à la vie des affaires et de leur interdire de se porter caution. Il appartient dans ce cas au bénéficiaire du cautionnement d'établir qu'il a informé la caution par tout moyen de la réalité de ses engagements dans l'esprit du texte précité. Mais en l'espèce la banque s'est livrée à un simulacre en faisant écrire à la première personne du singulier un texte qui ne concernait pas son scripteur. Cet artifice ne démontre nullement que l'information légale a bien été apportée à la caution, ce qui ne saurait pas plus se déduire des anciennes fonctions de gérant de Monsieur Bruno X... ni du fait qu'il est propriétaire de biens immobiliers au travers d'une SCI. La banque n'établissant nullement qu'elle est parvenue à pallier l'illettrisme de la caution pour lui apporter l'information prescrite par la loi, l'engagement de caution se trouve frappé de la nullité prévue par l'article L. 341-3 du code de la consommation » ;

ALORS, D'UNE PART, QUE l'article L. 341-2 du Code de la consommation prévoit que la caution est informée de la nature et de l'étendue de son engagement par une mention manuscrite dont la loi fixe ainsi les termes : « en me portant caution (...), je m'engage (...) » ; que l'acte de cautionnement doit comporter la reproduction fidèle de la formule légale ; que lorsque la caution est illettrée, est donc licite le procédé consistant pour un tiers à rédiger lui-même la mention manuscrite pour le compte de la caution, puis à recueillir la signature de la caution au pied de cette mention ; que l'usage de toute autre formule ou moyen d'information méconnaîtrait nécessairement la loi ; qu'en affirmant que « la banque s'est livrée à un simulacre en faisant écrire à la première personne du singulier un texte qui ne concernait pas son scripteur » pour en déduire qu'il ne serait pas démontré « que l'information légale a bien été apportée à la caution », la Cour d'appel a violé l'article L. 341-2 du Code de la consommation ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la caution qui signe un engagement dont, en raison de son illettrisme, la mention manuscrite a été rédigée par un tiers, s'approprie la mention manuscrite rédigée pour son compte à la première personne du singulier et reconnaît avoir eu connaissance du contenu de cette mention ; qu'en affirmant que la rédaction par la banque de la mention manuscrite ne démontrait pas « que l'information légale a bien été apportée à la caution », la Cour d'appel a derechef violé l'article L. 341-2 du Code de la consommation.



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Cette décision est visée dans la définition :
Caution / Cautionnement


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