par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 2, 2 décembre 2010, 09-68094
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Cour de cassation, 2ème chambre civile
2 décembre 2010, 09-68.094

Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Représentation
Tierce-opposition




LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X... sont propriétaires d'un terrain bâti au sein d'un lotissement qui jouxte le terrain occupé par M. Joseph Y... ; que, se plaignant de ce que M. Joseph Y... aurait irrégulièrement édifié un local affecté à la location saisonnière en limite de propriété, M. et Mme X... l'ont fait assigner aux fins de voir ordonner la démolition de la construction litigieuse, qui a été décidée par un arrêt du 1er juin 2007 ; que Mme Z..., épouse Y..., et son fils, M. Patrice Y..., ont formé tierce opposition à l'arrêt, en leur qualité respectivement de co-usufruitière et de nu-propriétaire de l'immeuble, en vertu d'un acte de donation-partage établi le 8 novembre 2000 ;

Sur le moyen unique, pris en ses première et quatrième branches, après avis donné aux parties, conformément aux dispositions de l'article 1015 du code de procédure civile :

Attendu que Mme Z... fait grief à l'arrêt de juger sa tierce opposition irrecevable, alors, selon le moyen :

1°/ qu'est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque ; que la communauté d'intérêts ne suffit pas à caractériser cette représentation ; qu'en affirmant d'emblée en l'espèce, au soutien de sa décision, que "la notion de représentation en matière de tierce opposition… englobe tous les cas où les intérêts de la personne ont eu un défenseur à l'instance" et encore in fine "qu'alors même que les conditions de représentativité stricto sensu ne seraient pas remplies, il y avait bien, s'agissant de l'instance dont s'agit, communauté ou identité d'intérêts entre les tiers opposants co-usufruitiers et nu-propriétaire et M. Joseph Y... partie aux décisions et notamment à celle attaquée…", quand la communauté d'intérêts entre les consorts Y... et M. Joseph Y... ne pouvait, nonobstant l'absence de moyens propres, suffire à caractériser la représentation des premiers par le second, la cour d'appel a violé l'article 583 du code de procédure civile ;

2°/ qu'en se bornant à affirmer que "Mme Gertrude Z..., épouse commune en biens de M. Joseph Y..., était nécessairement représentée par lui dans l'instance, soit en application de l'article 218 du code civil s'agissant d'un bien commun, soit en vertu d'un mandat tacite par application de l'article 1432 du code civil", quand ni l'une ni l'autre de ces dispositions n'a vocation à régir la présente espèce dès lors qu'aucun mandat exprès n'est en cause et que l'immeuble litigieux constituait un bien commun des époux Y... et non un bien propre, la cour d'appel a privé encore sa décision de toute base légale au regard des articles susvisés, ensemble de l'article 583 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'en vertu de l'article 1421 du code civil, chacun des époux a, en sa qualité d'administrateur de la communauté, le pouvoir de défendre seul aux actions concernant les biens communs ; que les décisions rendues à son encontre sont opposables à l'autre conjoint ; que par ce motif de pur droit, substitué aux motifs justement critiqués par le moyen, l'arrêt qui a déclaré irrecevable la tierce opposition formée par Mme Rivière, épouse commune en biens de M. Y..., se trouve légalement justifié ;

Mais sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :

Vu l'article 583 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable la tierce opposition formée par M. Patrice Y..., l'arrêt énonce qu'il est constant que la notion de représentation en matière de tierce opposition englobe tous les cas où les intérêts de la personne ont eu un défenseur à l'instance, qu'il y avait bien communauté d'intérêts entre le tiers opposant nu-propriétaire et M. Joseph Y... et qu'en cas d'indivisibilité des droits comme en l'espèce entre usufruitier et nu-propriétaire, il y a représentation mutuelle notamment concernant l'immeuble sur lequel s'exerce ces droits ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la communauté d'intérêts ne suffit pas à caractériser la représentation et que le nu-propriétaire n'est pas nécessairement représenté par un usufruitier, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré la tierce opposition formée par M. Patrice Y... irrecevable , l'arrêt rendu le 3 avril 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;

Condamne Mme Rivière aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes respectives des parties ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux décembre deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils pour M. et Mme Y...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué :

D'AVOIR jugé irrecevables les tierces oppositions formées par Monsieur Patrice Y... et Madame Gertrude Joseph Y... née Z... à l'encontre de l'arrêt du 1er juin 2007 ordonnant la démolition par Monsieur Joseph Y... d'un immeuble dont Monsieur Patrice Y... est nu propriétaire et Madame Joseph Y... cousufruitière ;

AUX MOTIFS QUE « sont irrecevables à former tierce opposition les personnes qui ont été représentées à l'instance, étant constant que la notion de représentation en matière de tierce opposition, outre les cas de représentation de droit commun, englobe tous les cas où les intérêts de la personne ont eu un défenseur à l'instance ; or, c'est à bon droit que les époux X... font valoir que Madame Gertrude Z... épouse commune en biens de M. Joseph Y..., était nécessairement représentée par lui dans l'instance, soit en application de l'article 218 du Code civil s'agissant d'un bien commun, soit en vertu d'un mandat tacite par application de l'article 1432 du Code civil, et que, s'agissant de M. Patrice Y..., donataire et ayant cause à titre particulier de son père M. Joseph Y..., il était nécessairement représenté par lui dans un instance qui visait le bien donné ; qu'en outre, en cas d'indivisibilité des droits comme en l'espèce entre usufruitier et nu propriétaire ou entre codonateurs, il y a représentation mutuelle notamment dans une instance concernant l'immeuble sur lequel s'exercent ces droits ; qu'il ne peut enfin être contesté qu'alors même que les conditions de représentativité stricto sensu ne seraient pas remplies, il y avait bien, s'agissant de l'instance dont s'agit, communauté ou identité d'intérêts entre les tiers opposants co-usufruitiers et nu propriétaire et M. Joseph Y... partie aux décisions et notamment à celle attaquée… » (arrêt attaqué p. 5 § 7 à 10) ;

ALORS D'UNE PART QU'est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque ; que la communauté d'intérêts ne suffit pas à caractériser cette représentation ; qu'en affirmant d'emblée en l'espèce, au soutien de sa décision, que « la notion de représentation en matière de tierce opposition… englobe tous les cas où les intérêts de la personne ont eu un défenseur à l'instance » et encore in fine « qu'alors même que les conditions de représentativité stricto sensu ne seraient pas remplies, il y avait bien, s'agissant de l'instance dont s'agit, communauté ou identité d'intérêts entre les tiers opposants co-usufruitiers et nu propriétaire et M. Joseph Y... partie aux décisions et notamment à celle attaquée … », quand la communauté d'intérêts entre les consorts Y... et Monsieur Joseph Y... ne pouvait, nonobstant l'absence de moyens propres, suffire à caractériser la représentation des premiers par le second, la Cour d'appel a violé l'article 583 du Code de procédure civile ;

ALORS D'AUTRE PART QUE l'ayant cause particulier, tel le donataire d'un immeuble, n'est représenté par son auteur, par rapport au bien transmis, que pour les actes accomplis sur ce bien avant la naissance de ses droits ; que dès lors que la décision frappée de tierce opposition a été rendue postérieurement à la publication de l'acte translatif donnant naissance aux droits de l'ayant cause particulier, celui-ci doit être considéré comme un tiers recevable en sa tierce opposition ; qu'en affirmant en l'espèce, pour juger irrecevable la tierce opposition de Monsieur Patrice Y... à l'encontre de l'arrêt du 1er juin 2007 par lequel la Cour d'appel de Saint Denis a ordonné la démolition du local édifié sur la parcelle dont il est nu propriétaire en vertu d'un acte notarié de donation partage du 8 novembre 2000, régulièrement publié les 5 janvier et 29 juin 2001, « que, s'agissant de M. Patrice Y..., donataire et ayant cause à titre particulier de son père M. Joseph Y..., il était nécessairement représenté par lui dans une instance qui visait le bien donné », ce après avoir relevé que l'acte de donation partage du 8 novembre 2000 « a été publié à la conservation des hypothèques le 29 juin 2001 soit postérieurement à l'assignation au fond devant le Tribunal de grande instance en date du 19 juin précédent » (p. 4), la Cour d'appel a violé derechef l'article 583 du Code de procédure civile ;

ALORS DE TROISIEME PART QUE le nu-propriétaire n'est jamais représenté par l'usufruitier ; qu'en affirmant à tort au soutien de sa décision « qu'en outre en cas d'indivisibilité des droits comme en l'espèce entre usufruitier et nu propriétaire…, il y a représentation mutuelle notamment dans une instance concernant l'immeuble sur lequel s'exercent ces droits », la Cour d'appel a violé encore l'article 583 du Code de procédure civile ;


ALORS DE QUATRIEME PART QU'en se bornant à affirmer que « Madame Gertrude Z... épouse commune en biens de M. Joseph Y..., était nécessairement représentée par lui dans l'instance, soit en application de l'article 218 du Code civil s'agissant d'un bien commun, soit en vertu d'un mandat tacite par application de l'article 1432 du Code civil », quand ni l'une ni l'autre de ces dispositions n'a vocation à régir la présente espèce dès lors qu'aucun mandat exprès n'est en cause et que l'immeuble litigieux constituait un bien commun des époux Y... et non un bien propre, la Cour d'appel a privé encore sa décision de toute base légale au regard des articles susvisés, ensemble de l'article 583 du Code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Représentation
Tierce-opposition


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.