par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 18 septembre 2007, 06-10663
Dictionnaire Juridique

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Cour de cassation, chambre commerciale
18 septembre 2007, 06-10.663

Cette décision est visée dans la définition :
Secret / Secret professionnel




Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Aix-en-Provence, 28 septembre 2005), que le 15 février 1994, la clinique Merlin (la clinique) a attribué l'exclusivité de ses analyses biologiques au laboratoire SELARL Tranchand-Turcon (la SEL) ; qu'en contrepartie de cette exclusivité, la SEL a stipulé au profit de la clinique, d'une part, un versement de 21 % des honoraires encaissés, pour son compte, par la clinique et, d'autre part, un dépôt de garantie de 4 000 000 francs ; qu'afin de financer la moitié de ce dépôt de garantie, la société Marseillaise de crédit (la banque) a, le 6 avril 1994, accordé à la SEL un prêt qui a fait l'objet d'un versement sur un compte de la clinique ouvert dans les livres de la banque ; qu'une procédure de redressement judiciaire ayant été ouverte le 14 avril 1995 à l'encontre de la clinique, il a été indiqué à la SEL que sa créance relative au dépôt de garantie ne serait pas réglée ; qu'estimant que la banque avait engagé sa responsabilité en ne l'informant pas sur la situation financière obérée de la clinique, la SEL a fait assigner la banque en réparation de son préjudice découlant de la non-restitution du dépôt de garantie ; que, de son côté, la banque a fait assigner les cautions Mme X... et M. Y... en paiement du solde courant du compte-débiteur de la SEL ; que ces deux instances ont été jointes ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la SEL fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté l'intégralité de ses demandes à l'encontre de la banque, alors, selon le moyen :

1°/ que l'obligation au secret du banquier ne fait pas obstacle à ce que celui-ci informe l'emprunteur que le dépositaire de la somme empruntée, également débiteur du banquier, ne sera pas à même de restituer la somme déposée à titre de garantie du fait de son insolvabilité ; qu'en jugeant que la banque ne pouvait, au "risque d'engager sa responsabilité professionnelle", révéler à la SEL que la situation financière de la clinique ne permettrait pas à celle-ci de restituer la somme empruntée par la SEL à la banque pour être déposée en garantie sur le compte de la clinique ouvert auprès de la même banque, la cour d'appel a violé par fausse application l'article L. 511-33 du code monétaire et financier, ensemble l'article 1147 du code civil ;

2°/ que le banquier a le devoir de mettre en garde son emprunteur profane sur l'importance du risque encouru par celui-ci ; qu'en déniant toute violation de son obligation de mise en garde par la banque à l'égard de la SEL après avoir retenu que "l'obligation de conseil et d'information qui pèse sur la banque est en l'espèce celle d'un professionnel à l'égard d'un cocontractant profane dès lors que la compétence d'un biologiste n'est pas celle d'un économiste ou d'un financier" aux motifs de l'existence de l'obligation au secret de la banque et de celle de son devoir de non-immixtion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

3°/ qu'en s'abstenant de vérifier si la banque connaissait effectivement la situation obérée de la clinique, ce que la SEL établissait notamment par la production de tickets d'agios révélant un découvert en compte-courant ayant dépassé 18 400 000 francs en 1993, au vu des seuls motifs tenant à l'obligation au secret de la banque et à son devoir de non-immixtion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

4°/ que rejetant les demandes de la SEL en considérant que "la question se pose d'ailleurs de savoir pourquoi la SEL, avant de se lancer dans une opération de cette envergure et alors qu'elle avait missionné une société d'expertise comptable en ce qui la concerne, n'a pas, de la même façon, confié à cette société une étude, même sommaire, de la clinique" la cour d'appel a statué par un motif dubitatif, violant ainsi l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

5°/ que rejetant les demandes de la SEL en considérant que "selon la banque, et sans qu'elle soit contredite sur ce point, la SEL aurait reconnu que des traites de la clinique facturées en faveur du laboratoire n'étaient plus honorées depuis août 1993" et que, dès lors, "la question peut se poser de savoir si la SEL n'a pas pris un risque calculé en misant sur un redressement judiciaire de la clinique", la cour d'appel a statué par un motif hypothétique, violant ainsi l'article 455 du nouveau code de procédure civile ;

Mais attendu que l'obligation au secret professionnel à laquelle sont tenus les établissements de crédit leur interdit de fournir à un client qui en formule la demande des renseignements autres que simplement commerciaux d'ordre général et économique sur la solvabilité d'un autre de leurs clients ;

Attendu que dès lors qu'il n'est pas allégué que la SEL ait demandé à la banque de simples renseignements commerciaux sur la solvabilité de la clinique, la cour d'appel a retenu à bon droit, abstraction faite des motifs surabondants critiqués aux quatrième et cinquième branches, que la banque, à laquelle il était exclusivement reproché un manquement à une obligation d'information, n'avait pas engagé sa responsabilité à l'égard de la SEL ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Et sur le second moyen :

Attendu que Mme X... et M. Y..., font encore grief à l'arrêt attaqué de les avoir condamnés, en qualité de caution de la SEL, au paiement de la somme de 231 291,25 francs, avec intérêts au taux contractuel à compter du 21 avril 1999, sauf à dire que la SEL est condamnée au même titre que les cautions au paiement du solde débiteur du compte-courant, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en jugeant que l'existence d'un lien de connexité entre la perte du dépôt de garantie et le solde débiteur du compte de la SEL n'était pas établie, sans expliquer comment la perte par la SEL de 4 000 000 de francs du fait du manquement de la banque à son obligation de mise en garde pourrait ne pas expliquer le caractère débiteur de son compte courant dans les livres ouverts auprès de la même banque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

2°/ qu'en tout état de cause, la cassation à intervenir de l'arrêt en ce qu'il a rejeté les demandes de la SEL à l'encontre de la banque entraînera sa cassation en ce qu'il condamné les exposants à payer le solde débiteur du compte courant et les intérêts de retard par application des articles 623, 624 et 625 du nouveau code de procédure civile, la défaillance du débiteur principal qui a justifié les recours contre les cautions, ne s'expliquant que par la perte du dépôt de garantie de 4 000 000 de francs en raison des fautes commises par la banque ;

Mais attendu que la cour d'appel ayant retenu que la banque n'avait pas manqué à son devoir de mise en garde, le moyen est inopérant ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi  ;

Condamne les demandeurs aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau code de procédure civile, rejette la demande de la SEL X... Y..., de Mme X... et de M. Y... et les condamne à payer à la société Marseillaise de crédit la somme globale de 2 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par Mme Besançon, conseiller le plus ancien qui en a délibéré en remplacement du président, en l'audience publique du dix-huit septembre deux mille sept.



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Cette décision est visée dans la définition :
Secret / Secret professionnel


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